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Sois sportive, mais surtout jolie


Le corps des sportives n'échappe pas au phénomène d’hypersexualisation présent dans la société. Par ce terme, on entend ‘la mise en avant de caractéristiques qui ne sont pas liées au sport à proprement parler, mais à des considérations esthétiques, voire sexuelles. Il s'agit de rendre la sportive conforme aux stéréotypes de genre liés à la femme, c'est-à-dire tout ce qui va'l'objectifier' et la rendre disponible pour l'homme’, explique Béatrice Barbusse, sociologue et vice-présidente de la fédération française de handball.


Outre des remarques et commentaires qui peuvent être dégradants et difficiles à vivre pour les athlètes, cela peut avoir un impact réel sur la carrière sportive. Lorsque qu'elles ne correspondent pas aux normes de beauté imposées par la société, elles peuvent éprouver des difficultés à trouver des sponsors. Or, ce sont ces derniers qui leur permettent de vivre et de disposer de ressources financières nécessaires pour participer aux compétitions. Une médaillée olympique précise : ‘Chez les hommes, la performance est davantage mise en avant. Chez les femmes, il faut se battre si l'on ne rentre pas dans les critères de beauté prédéfinis par la société.’


Mélina Robert-Michon, vice-championne olympique de lancer du disque aux Jeux de Rio en 2016, et vingt fois championne de France, connaît ce problème. ‘Les équipementiers préfèrent travailler avec des filles bien foutues, qui passent bien à l'écran, même si elles n'ont rien fait de spécial. Il y a quelques années, ils n'avaient pas peur de nous le dire directement. Aujourd'hui, c'est beaucoup moins politiquement correct, alors ils trouvent d'autres excuses.’


Et le phénomène va encore plus loin. Selon plusieurs chercheuses interrogées, certaines athlètes vont jusqu'à se ‘recréer une féminité’, afin d’attirer les sponsors et poursuivre leur carrière dans de meilleures conditions. ‘Celles qui n'ont pas des physiques s'apparentant aux stéréotypes féminins vont mettre du vernis, des bijoux ou encore s’afficher en robe pour essayer de donner des gages qui ramènent à une féminité’, explique Sandy Montanola, maîtresse de conférences à l’Université de Rennes. ‘Les athlètes ont anticipé le fait que les sponsors attendent des représentations sociales assez stéréotypées.’


Les stéréotypes de genre ne se limitent pas qu'au physique : ils se reflètent également dans les tenues. Parfois jugées trop courtes ou trop échancrées, beaucoup de sportives s’en sont déjà offusquées. Peu à peu, les langues se délient et les athlètes ne masquent plus leur malaise. Des joueuses de beach handball ont ainsi refusé la sélection tricolore à cause du port obligatoire du bikini, qui s’apparentait d’ailleurs plutôt à un string.


Dans une logique similaire, les gymnastes allemandes avaient pris part aux Jeux de Tokyo en ‘académique’, un uniforme qui couvre le corps des bras jusqu'à la cheville, au lieu du justaucorps habituel. ‘Nous voulions montrer que chaque femme doit décider ce qu'elle porte’, avait alors insisté Elisabeth Seitz. Interrogée, la directrice des équipes de France de gymnastique artistique féminine se veut rassurante : selon elle, les tenues sont discutées avec les gymnastes elles-mêmes, en adéquation avec leurs souhaits. Dans tous les cas, la fédération française n’a pas encore validé les académiques…


Mais quelles sont les raisons avancées à une telle sexualisation des corps ? ‘On en revient toujours au même : attirer les sponsors et les partenaires’, répond Béatrice Barbusse.

‘Quand les athlètes ne répondent pas aux stéréotypes féminins ou qu'elles sont trop musclées, comme les boxeuses ou les joueuses de rugby par exemple, il va y avoir une sanction médiatique. Nous les apercevons très peu en photo ou dans les médias’, complète Sandy Montanola.


Mais comment mettre fin à la sexualisation des sportives ? ‘Il faut que de plus en plus de sportifs et sportives s’éveillent à ce qu'est le féminisme et se rendent compte que l'on est enfermé dans des représentations stéréotypées. Les athlètes seraient plus performantes et épanouies en se libérant de ça’, propose Béatrice Barbusse. ‘Et il faut évidemment que les femmes soient bien davantage représentées dans les instances dirigeantes et qu'elles fédèrent autour de ces questions’, poursuit la sociologue.


Mais la parité, ce n'est pas pour tout de suite. Le 18 janvier, le Sénat a rejeté l’instauration de la parité dans les instances dirigeantes du sport à partir de 2024. Pour rappel, seules 18 femmes sont à la tête d’une des 113 fédérations sportives en France.


Vocabulaire :


à proprement parler : à vrai dire, en vérité objectifier une personne : faire de quelqu’un un objet outre : en plus de un équipementier : société qui propose des équipements et tenues de sport bien foutu : (argot) qui a un beau corps échancré : qui présente une échancrure, décolleté un gage : une garantie, une preuve s’offusquer de : être choqué, être vexé tricolore : (ici) national, français (en référence aux trois couleurs du drapeau français) un justaucorps : vêtement d’un seule pièce qui couvre le tronc, utilisé notamment en gymnastique en adéquation avec : en parfait accord avec les instances dirigeantes : organisme, bureau qui a un pouvoir de décision


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