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Touristes à Auschwitz : les sites historiques au défi des selfies


Récemment, une visiteuse a posé, tout sourire, sur les rails devant le Mémorial d'Auschwitz, suscitant la colère du site, lassé de ces scènes indécentes et répétées. La tendance est en effet en hausse ces dernières années sur plusieurs lieux de mémoire à travers le monde, notamment chez les jeunes générations. Le site n’est en effet pas l’endroit le plus indiqué pour faire des selfies et les publier sur les réseaux sociaux, ces inestimables témoins de nos vies numériques. Plus d’un million de personnes ont été transportées sur ces rails pour rejoindre le camp d’extermination polonais pendant la Seconde Guerre mondiale. Agacé par ces mises en scène, le site a rappelé ses visiteurs à l’ordre.


"Les images peuvent avoir une immense valeur émotionnelle et documentaire pour les visiteurs, elles nous aident à nous souvenir", a reconnu le Mémorial sur Twitter, sous la photo de cette visiteuse en train de poser. Mais "en venant à Auschwitz, les visiteurs doivent garder à l'esprit qu'ils pénètrent dans le site authentique de l'ancien camp, où plus d'un million de personnes ont été assassinées", a-t-il poursuivi. "Respectez leur mémoire."

En 2019 déjà, le Mémorial avait critiqué le comportement de visiteurs qui jouaient les funambules sur les rails, illustration d’une mode consternante qui se développait alors sur TikTok : des internautes se faisaient passer pour des victimes de l'extermination, en mettant en scène leur faux décès en vidéo.

Ulcéré par cette tendance, l'artiste israélien Shahak Shapira, lui-même petit-fils de déporté, a détourné en 2017 des photographies inappropriées trouvées sur les réseaux sociaux. Il a découpé les silhouettes des selfies et les a superposées à des photos de charniers ou de cellules de prisonniers, les replaçant ainsi dans leur contexte. Quasiment la totalité des douze personnes figurant sur les photomontages se sont excusées auprès de lui, et ont décidé de retirer les images de leur profil, explique son site.

Pour les spécialistes, on trouve cette tendance surtout chez les plus jeunes, chronologiquement plus éloignés de ce passé douloureux. "Pour des collégiens ou lycéens, il n'y a plus forcément de notion de sacré derrière ces lieux-là. Ils gardent des comportements ordinaires, comme continuer à se prendre en photo", explique un historien de la Fondation de la Résistance. Si ces comportements ne sont pas "systématiques", "ces gestes n'existaient pas vingt ans auparavant", note-t-il.

Pour Hélène Camarade, spécialiste de la résistance allemande au national-socialisme, cette tendance remonte au début des années 2000, mais il ne faut pas pour autant blâmer les jeunes générations. "On ne peut pas leur en vouloir de ne pas avoir la connaissance, de ne pas avoir été éduquées", estime-t-elle. "Si ces éclairages n'ont pas eu lieu, il faut au contraire s'interroger sur nos pratiques mémorielles, à nous, plus anciennes générations."

Pour des historiens, les sites ont une responsabilité importante pour endiguer ce phénomène. À Oradour-sur-Glane, en Haute-Vienne, les visiteurs doivent passer par un musée sur le massacre des habitants de ce village en juin 1944 par les Nazis, avant de pouvoir accéder au site. Il n'y a pas non plus de restaurant ou de café qui pourrait profiter de la présence des touristes, afin d’éviter toute confusion des genres.

Vocabulaire :

susciter : provoquer inestimable : d’une grande valeur rappeler à l’ordre : réprimander un funambule : personne qui marche en équilibre sur une corde consternant : affligeant, pathétique se faire passer pour : faire semblant d’être (quelqu’un d’autre) ulcéré : (très) agacé, en colère un charnier : lieu où sont entassés et enterrés des cadavres un éclairage : (ici) une explication endiguer : limiter, maîtriser

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